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Ma coquille d’air était fermement maintenue par des câbles à la lisière de la base d’atterrissage. On y accédait de la même façon qu’on accède à la base : un ascenseur jusqu’au sas de surface, puis un taxi-chenille hermétique qui vous transportait sur le sol sec, rocailleux et torturé de Vénus qui s’écaillait sous la force énorme du vent. Normalement, je gardais ma coquille sous une structure en mousse solidement amarrée, bien sûr. Si on veut retrouver un engin intact, même s’il est en acier chromé, il ne faut jamais le laisser exposé et libre à la surface de Vénus. La première chose que j’avais faite ce matin avait été de retirer la mousse pour charger les vivres. Maintenant ma coquille était prête. Je la voyais de derrière les hublots de la chenille, à travers les espèces de ténèbres jaune-vert et hurlantes.
Cochenour et la fille auraient pu la voir aussi s’ils avaient su dans quelle direction regarder, mais peut-être ne l’auraient-ils pas vue comme un engin capable de voler.
— Est-ce que vous et Dorrie avez eu une dispute ? me hurla Cochenour à l’oreille.
— Pas de dispute, répondis-je en hurlant aussi fort.
— Ça m’est égal. Je voulais juste le savoir. Vous n’êtes pas obligés de devenir amis, faites simplement ce que je veux. (Il se tut un instant pour reposer ses cordes vocales.) Doux Jésus ! Quel vent !
— Le zéphyr, annonçai-je.
Je n’en dis pas plus. Il allait le découvrir par lui-même. La région qui entoure la base d’atterrissage est une sorte de zone de calme naturel, selon les standards vénusiens. L’orographie vénusienne rejette le plus cruel des vents à l’écart de la base et tout ce que nous avons, ce sont de petits tourbillons affolés. Cela facilite le décollage et l’atterrissage. L’inconvénient, c’est que plusieurs des composés de métal lourd se sont fixés sur la base. Ce qui passe pour de l’air sur Vénus comporte dans les couches inférieures du cinabre et du chlorure mercurique, et lorsque vous les dépassez et atteignez ces jolis nuages floconneux que les touristes aperçoivent lors de la descente, vous découvrez que certains de ces mignons nuages sont composés de gouttelettes d’acides sulfurique, chlorhydrique et fluorhydrique.
Mais il y a aussi des ruses de métier pour cela. La navigation au-dessus de Vénus exige des capacités à trois dimensions. Il est assez facile de se rendre du point A au point B sur la surface. Les émetteurs-répondeurs vous relient aux ondes radio et indiquent en permanence votre position sur les cartes. Ce qui est difficile à trouver, en revanche, c’est la bonne altitude. Cela exige de l’expérience et peut-être aussi de l’intuition. Voilà pourquoi ma coquille et moi coûtions un million de dollars à des gens comme Boyce Cochenour.
Entre-temps, nous étions arrivés devant la coquille et le bec télescopique de la chenille s’étendit vers le sas. Cochenour regardait par le hublot.
— Mais elle n’a pas d’ailes ! s’écria-t-il, comme si je l’avais berné.
— Elle n’a pas de voiles ni de chaînes à neige, non plus, répondis-je. Montez à bord si vous voulez parler ! Ce sera plus facile dans la coquille.
Nous passâmes par le bec, je déverrouillai la portière et nous montâmes à bord sans trop de difficultés.
Nous ne nous heurtâmes même pas à la difficulté à laquelle je m’étais attendu. Voyez-vous, une coquille d’air, c’est la grande classe sur Vénus. J’étais sacrément veinard d’avoir pu l’acquérir et, ma foi, ne tournons pas autour du pot, je l’aimais. La mienne pouvait transporter dix personnes, sans équipement. Mais avec tout le fourbi que la boutique d’équipement de Sub Vastra nous avait vendu et que le Local 88 avait certifié comme indispensable à bord, on tenait tout juste à trois.
Je m’étais donc préparé à ce qu’on me décoche au moins une flèche. Mais Cochenour se contenta de regarder autour de lui le temps de trouver la meilleure couchette, la gagna en trois grands pas et proclama que c’était la sienne. Dorotha réagit comme une chic fille devant ces incommodités. Et moi, je restai là, les glandes chargées à bloc et prêtes à recevoir un coup d’éclat, mais personne n’en donna.
Dans la coquille, on était plus au calme. On entendait encore nettement le tintamarre du vent, mais ce n’était qu’agaçant. Je leur donnai des protège-tympans à haut filtrage et, avec cela dans les oreilles, le vacarme n’était plus gênant.
— Asseyez-vous et attachez-vous, ordonnai-je.
Une fois qu’ils furent sanglés, je décollai.
À quatre-vingt-dix mille millibars, les ailes ne sont pas seulement inutiles, elles sont une plaie. Ma coquille avait toute la poussée nécessaire et sa coque la forme idéale d’un coquillage. J’injectai ma mixture de combustible dans les tuyères, nous cahotâmes sur la piste relativement plane à la lisière de la base (elle était aplanie au bulldozer une fois par semaine, voilà pourquoi elle demeurait relativement plane), puis nous filâmes à travers le sauvage lointain jaune-vert, puis à travers le sauvage lointain gris-marron… après une course de moins de cinquante mètres sur la piste.
Cochenour avait attaché sa ceinture de manière à se sentir à l’aise. Cela m’amusa de l’entendre glapir lorsque nous fûmes projetés dans tous les sens, alors que nous traversions une zone de violentes turbulences de courte durée. Cela n’allait pas le tuer et cela ne dura que quelques instants. À un millier de mètres, je rencontrai notre région de l’inversion atmosphérique semi-permanente de Vénus, et la turbulence tomba au niveau auquel je pouvais déboucler ma ceinture et me tenir debout.
Je retirai mes protège-tympans et fis signe à Cochenour et à la fille d’en faire de même.
Cochenour se frottait le crâne à l’endroit où il s’était cogné contre un porte-cartes situé au-dessus de lui, mais il affichait un petit sourire.
— Très excitant, admit-il en farfouillant dans sa poche. Ça va si je fume ?
— Ce sont vos poumons.
Son sourire s’accentua.
— Maintenant, oui… Mais dites-moi, pourquoi vous ne nous avez pas donné ces protège-tympans quand nous étions dans la chenille ?
Il y a dans notre vie de guides un moment décisif. Soit nous nous laissons submerger par cette marée montante de questions et nous perdons tout notre temps à expliquer à quoi sert tel petit voyant rouge quand il s’allume… soit nous la fermons et continuons notre boulot et faisons fortune. Autrement dit, c’est un choix : allais-je ou non réussir grâce à cet aimable Cochenour et à sa maîtresse ?
Si je le voulais, il valait mieux que je tâche d’être poli avec eux. Plus que poli. Vivre tous les trois pendant trois semaines dans un espace aussi vaste qu’une kitchenette impliquait que chacun d’entre nous fasse de sacrés efforts pour être gentil avec les autres, si nous ne voulions pas revenir habités par une haine implacable. Et comme c’était moi qui allais être payé pour être gentil, il valait mieux que je donne l’exemple.
Par ailleurs, tous ces Cochenour se révèlent parfois antipathiques. Si tel était le cas, il était préférable de parler le moins possible. Alors j’éludai les questions par des réponses du genre « j’ai oublié ».
Mais il ne s’était pas montré plus désagréable qu’il ne l’était de nature. Et la fille avait même réellement essayé de se montrer sympathique. Aussi optai-je pour la courtoisie.
— Ah ! voilà une intéressante question. Voyez-vous, on entend grâce aux différences de pression. Lorsque la coquille décollait, les protège-tympans ont filtré une partie du bruit – les ondes de pression –, mais lorsque je vous ai hurlé de vous déboucler, les protège-tympans ont laissé passer la surpression de ma voix, et ainsi vous avez pu relativement bien m’entendre. Toutefois, il existe une limite. Au-delà de cent vingt décibels environ – c’est l’unité de puissance sonore…
— Je sais ce qu’est un décibel, grommela Cochenour.
— Parfait. Au-delà de cent vingt décibels environ, le tympan ne réagit plus. Ainsi, dans la chenille, il y avait trop de bruit. On n’avait pas seulement le tintamarre traversant la coque mais aussi celui montant du sol, conduit par les bandes de roulement. Si vous aviez eu les protège-tympans dans vos oreilles, vous auriez été incapables d’entendre… eh bien… quoi que ce soit, concluai-je lamentablement.
Dorotha m’avait écouté tout en rectifiant son Rimmel.
— Quoi que ce soit comme quoi ? demanda-t-elle.
Je décidai de les considérer comme des amis, du moins pour le moment.
— Comme l’ordre d’entrer dans vos combinaisons thermorésistantes. En cas d’accident, j’entends. Une rafale aurait pu renverser cette chenille, ou un objet solide provenant des montagnes nous heurter de plein fouet sans qu’on ait le temps de le voir.
Elle secouait la tête mais riait.
— Charmant endroit où tu nous emmènes, Boyce, observa-t-elle.
Lui n’écoutait pas. Il avait autre chose en tête.
— Pourquoi vous ne pilotez pas cet engin ? s’enquit-il.
Je me levai et activai le globe virtuel.
— Exact, fis-je. Il est temps que nous parlions de cela. Pour l’instant, ma coquille est en pilotage automatique et elle se dirige grosso modo vers ce quadrant-là, tout en bas. Nous devons décider d’une destination précise.
Dorotha examinait le globe. Ce n’était pas un vrai, bien sûr, mais une image en trois dimensions qui flottait dans la carlingue. On pouvait passer un doigt à travers.
— On ne reconnaît pas vraiment Vénus, observa-t-elle.
— Ces lignes que vous voyez, expliquai-je, ne sont que les repères des ondes radio. On ne les voit pas si on regarde par la fenêtre. Vénus ne possède pas d’océans et elle n’est pas divisée en pays. Aussi sa carte ne correspond-elle pas tout à fait à ce qu’on entend par ce terme sur la Terre. Regardez ce point brillant, ici ! C’est nous. Et maintenant, regardez encore…
Je superposai la grille des ondes radio et les courbes de niveau en couleurs aux données géologiques.
— Ces pâtés circulaires sont les repères des mascons. Savez-vous ce qu’est un mascon ?
— Une concentration de masse, proposa-t-elle. Un gros morceau de matière lourde.
— Bravo ! Maintenant regardez ce qui se passe lorsque j’introduis les emplacements des excavations heechee connues.
Quand je touchai la commande, ces excavations apparurent sous forme de structures dorées, identiques à des vers de terre rampant à travers la planète.
— Elles sont toutes dans les mascons ! s’exclama Dorotha.
Cochenour lui lança un regard admiratif, et moi aussi.
— Pas tout à fait, rectifiai-je. Mais quasiment. Pourquoi ? Je l’ignore. Les mascons sont presque toujours des zones rocheuses plus anciennes et plus denses, faites de basalte, entre autres. Peut-être que les Heechees se sentaient plus en sécurité environnés d’une roche solide et dense ?
Dans ma correspondance avec le Pr Hegramet sur la Terre, à l’époque où je n’avais pas un foie en train de me claquer entre les doigts et où donc je pouvais me permettre de m’intéresser à la connaissance abstraite, nous avions émis l’hypothèse que les excavatrices heechee ne pouvaient fonctionner que dans une roche dense, ou une roche d’une certaine composition chimique. Mais je n’étais pas prêt à discuter avec ces Terriens de quelques-unes des idées que m’avait données le Pr Hegramet.
Je fis pivoter légèrement le globe en tournant une manette.
— Regardez par là, où nous sommes en ce moment. Cette formation s’appelle Alpha Regio. Il y a le grand creusement d’où nous venons de sortir. Vous pouvez voir la Spirale. Le mascon où se trouve la Spirale se nomme Serendip. Elle a été découverte par une équipe d’hespérologues.
— Hespérologues ?
— Oui, des géologues qui étudient Vénus, donc des hespérologues. Ils ont détecté cette concentration de matière alors qu’ils orbitaient autour de Vénus, puis après s’être posés, ils en ont extrait une carotte et sont tombés sur le premier emplacement heechee. Quant à ces autres creusements heechee que vous apercevez dans les hautes latitudes nord, ils se trouvent tous dans cet agglomérat de mascons. Ils sont séparés par des amas rocheux moins denses et les Heechees ont percé des tunnels pour relier les divers mascons, mais sinon, les creusements heechee se trouvent presque toujours dans les mascons.
— Ils sont tous au nord, observa durement Cochenour. Et nous, nous allons au sud. Pourquoi ?
Il était intéressant qu’il sût lire le globe virtuel mais je n’en fis pas la remarque.
— Ceux qui sont signalés ne valent rien, me contentai-je de répondre. Ils ont déjà été sondés.
— On dirait que certains sont plus grands que la Spirale.
— Beaucoup plus grands, c’est vrai. Mais il n’y a guère de chances qu’ils contiennent des objets en suffisamment bon état pour qu’on se donne la peine de les chercher. Les fluides souterrains les ont inondés il y a environ cent mille ans, plus peut-être. Beaucoup de braves gars se sont ruinés à essayer d’en pomper un sans découvrir quoi que ce soit. Parlez-m’en ! J’en faisais partie.
— J’ignorais que Vénus avait de l’eau liquide, objecta Cochenour.
— Je n’ai pas parlé d’eau, que je sache. Mais le fait est qu’une partie en était, ou du moins une sorte de vase. Apparemment, l’eau se concocte dans la roche et son temps de transit vers la surface est de quelques milliers d’années ; alors elle émerge en suintant, bouillonne et se scinde en oxygène et hydrogène, puis se perd. Au cas où vous l’ignoreriez, il y en a un peu sous la Spirale. C’est même ce que vous avez bu et ce que vous avez respiré quand vous y étiez.
— Nous ne respirions pas de l’eau, rectifia-t-il.
— Non, bien sûr que non. Nous respirions l’air que nous fabriquons. Mais parfois il arrive que les tunnels gardent encore leur air – j’entends, l’originel, celui que les Heechees ont laissé derrière eux. Certes, au bout de quelques centaines de milliers d’années, ces tunnels sont devenus des fours. Alors ils cuisent tout ce qui est organique. C’est peut-être la raison pour laquelle nous avons découvert si peu… disons… de restes d’animaux. Ils ont été incinérés. Bref… Parfois on trouve de l’air dans un tunnel, mais je n’ai jamais entendu dire que quelqu’un avait trouvé de l’eau potable.
Dorotha intervint :
— Boyce, tout cela est passionnant, mais je crève de chaud, je suis sale, et toute cette discussion au sujet de l’eau me tape un peu sur le système. Pouvons-nous changer de sujet pour un instant ?
Cochenour aboya. Il ne savait pas rire.
— Suggestion subliminale, Walthers, vous n’êtes pas d’accord ? Et aussi un rien de pruderie vieux jeu, j’imagine. En fait, je crois que ce dont Dorrie a vraiment envie, c’est aller aux toilettes.
Si la fille m’y avait un peu encouragé, j’aurais été gêné pour elle. Mais il était évident qu’elle était habituée à Cochenour. Elle se contenta en effet de répondre :
— Si nous devons vivre dans ce truc pendant trois semaines, j’aimerais savoir ce qu’il offre.
— Certainement, mademoiselle Keefer, dis-je.
— Dorotha. Dorrie, si vous préférez.
— Oui, Dorrie… Euh ! vous voyez ce que vous avez ici : cinq couchettes qui en deviennent dix, si nous le voulons, mais nous ne le voulons pas. Deux douches. A priori, elles n’ont pas l’air assez grandes pour qu’on puisse s’y savonner mais avec un peu de bonne volonté, on y arrive. Deux toilettes chimiques dans ces cagibis. Prenez la couchette que vous voulez, Dorrie. Il y a un système de séparation qui descend lorsqu’on veut changer de vêtements ou simplement lorsqu’on ne veut plus voir les autres pendant quelque temps.
— Vas-y, Dorrie, intervint Cochenour. Fais donc ce que tu as envie de faire. Moi, je veux que Walthers me montre comment on pilote cet engin.
Ce n’était pas un mauvais début pour un voyage. J’avais connu des expériences éprouvantes, des groupes montant à bord ivres et continuant à s’enivrer systématiquement, des couples qui se chamaillaient dès qu’ils ouvraient l’œil et qui se raccommodaient juste le temps de faire bloc contre moi. Ce voyage-ci s’annonçait bien, même en oubliant le fait que j’espérais qu’il m’aide à sauver ma peau.
Pour piloter une coquille d’air, il ne faut guère de talent, du moins pour la faire aller dans la direction que vous souhaitez. Dans l’atmosphère de Vénus, ce n’est pas l’espace qui manque. On n’a pas à avoir peur de caler. Et de toute façon, les commandes automatiques effectuent pour vous quasiment tout le travail de réflexion.
Cochenour apprenait vite. Je découvris qu’il avait piloté toutes les catégories d’engins aériens sur la Terre et qu’il avait aussi conduit des sous-marins monoplaces dans les champs pétrolifères de sa jeunesse, au fond des mers. Il comprit tout de suite que toute la difficulté du pilotage sur Vénus était de sélectionner la bonne altitude de vol et de l’adapter aux circonstances variées. Mais il comprit aussi qu’il n’allait pas apprendre cela en une journée ni même en trois semaines.
— Quelle importance ! s’exclama-t-il sur un ton assez joyeux. Du moins, je pourrai la faire aller là où elle doit aller… au cas où vous demeureriez pris au piège dans un tunnel. Ou que vous soyez tué par un mari jaloux.
Je lui dédiai le sourire que cette petite plaisanterie valait. Un petit sourire, donc.
— Il y a encore une chose que je sais faire, annonça-t-il. La cuisine. À moins que vous ne soyez vous-même un excellent cordon-bleu ? Non, je ne crois pas. Cet estomac m’a coûté beaucoup trop cher pour que je le remplisse de bouillies. Donc je m’occuperai des repas. C’est là un petit talent que Dorrie ne s’est jamais donné la peine de cultiver. C’était la même chose avec sa grand-mère. La plus belle femme du monde, ça oui, mais elle était persuadée que sa beauté lui suffirait pour le dominer.
Je laissai cette question de côté pour la régler plus tard. Il était plein d’inattendu, ce jeune athlète de quatre-vingt-dix piges.
— Bien… Pendant que Dorrie va gaspiller toute l’eau sous la douche…
— Pas de problème. Elle se recycle.
— Peu importe. Pendant qu’elle va faire sa toilette, continuez votre petite conférence sur notre destination.
Je fis pivoter un peu le globe. Le point brillant qui nous représentait avait filé sans faiblir cap au sud pendant notre discussion.
— Vous voyez cet amas où notre trajectoire croise ces croix, juste à côté de Lise Meitner ?
— Qui est Lise Meitner ?
— Le nom d’une personne, qu’ils ont donné à cette formation, c’est tout ce que je sais. Vous voyez ce que mon doigt désigne ?
— Ouais. Ces cinq grands mascons proches les uns des autres. Aucune indication de fouilles. C’est là que nous allons ?
— En gros, oui.
— Et pourquoi ça, en gros ?
— Euh… Il y a un petit détail dont je ne vous ai pas parlé. J’espère que je n’aurai droit à aucun sarcasme de votre part, car sinon il faudra que je vous réponde sur le même ton et que je vous dise que vous auriez dû vous donner la peine de mieux vous renseigner sur Vénus avant de vous décider à l’explorer.
Il me jaugea du regard pendant un moment. Dorrie sortit tranquillement de la douche, vêtue d’une longue robe de chambre, les cheveux roulés dans une serviette. Elle vint se placer à côté de Cochenour et me surveilla.
— Tout dépend de ce que vous allez m’annoncer, l’ami, répondit-il d’un ton qui n’était pas du tout amical.
— Cette zone-là correspond à l’Aire de Sécurité de la région polaire sud, expliquai-je. C’est là que les gars de la Défense gardent tout leur arsenal de missiles et la majeure partie de leur terrain d’essai s’y trouve.
Il regardait la carte d’un air furibond.
— Mais il n’y a qu’une petite partie du mascon hors de ce périmètre !
— Et c’est justement dans cette partie-là que nous allons.